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Le fonds Eugène Danguy

La Cinémathèque française a pu acquérir en mai 2012 le fonds d'un « lanterniste » français de la fin du XIXe siècle (c. 1875-1889), Eugène Danguy, dont les plaques de grand format sont parmi les plus compliquées... Danguy propose un système très original et probablement inédit à son époque. Au lieu de se servir de trois plaques différentes qu'il devra loger une à une dans chaque étage de sa triple lanterne, il conçoit de longs châssis en bois sur lesquels il va installer trois images différentes qui seront animées chacune par de petits mécanismes très ingénieux. C'est cette longue plaque qui sera placée, en une seule fois, dans le passe-vue d'une lanterne fabriquée sur mesure et équipée de trois objectifs à œil-de-chat (sorte d'iris manuel commandé par un levier). L'animation sera commandée par un jeu de ficelles, de leviers ou de manivelles, et les fondus enchaînés se feront au gaz ou à l'œil de chat, grâce aux trois objectifs construits spécialement pour la lanterne.

Pour faire en sorte que la corde des disques rotatifs soit toujours tendue, un système de tendeur à vis réglable est installé. Une cordelette peut faire tourner deux disques en même temps, qui viennent se superposer au-dessus d'une image fixe. Parfois, la corde fait coulisser un verre panoramique (assez lourd) qui vient défiler lentement au foyer d'une seule lanterne : c'est le cas par exemple d'une magnifique image panoramique montrant Paris vu des quais. Ses chromatropes sont également inédits : les verres sont gravés et coloriés dans la masse, trois rosaces peuvent tourner superposées l'une sur l'autre.

Les effets spéciaux, pour une seule plaque, sont parfois disposés des deux côtés de celle-ci : par exemple pour la plaque Bateau de nuit, phare, un long verre mobile permet de passer des bateaux en surimpression sur une vue fixe représentant un phare. Un disque mobile sert aux effets lumineux. Au revers de la plaque, un système mécanique laisse apparaître par intermittence la lumière du phare. Deux manivelles et un levier actionnent le tout. Idem pour le Tunnel de Londres, avec cette fois deux systèmes d'animation (un petit signal rouge mobile et un disque rotatif peint) disposés au revers de la plaque. On imagine la complexité de la projection : Danguy doit mémoriser, pour chaque plaque, l'ordre de passage des images, et faire en sorte de tourner les différentes manivelles et d'ouvrir les gaz au bon moment...

Parfois, des systèmes mobiles en zinc viennent occulter ou révéler une partie cachée du tableau. Pour une plaque représentant le tremblement de terre de Lisbonne, un verre fixe à droite montre les piliers de l'intérieur d'une église avec une réserve de fond noir. Au centre, la même église avec des fidèles en train de prier. Une plaque en zinc découpé et mobile, superposée sur le verre, permet de simuler la chute du toit. A gauche enfin, la troisième image représente l'intérieur dévasté avec en outre l'adjonction d'une plaque en zinc mobile simulant la chute de poutres. La Traversée de Douvres à Calais se fait grâce à une plaque mécanisée fabriquée en Angleterre, que Danguy a vissée sur un châssis plus long, en lui ajoutant des disques rotatifs pour des effets hydrauliques et de fumée.

Danguy a aussi collectionné des plaques de fantasmagorie anciennes, de superbes chromatropes, diverses plaques animées provenant d'Angleterre, de même qu'une série illustrant les funérailles de Victor Hugo.